Surtout sollicitée sous la contrainte, la pratique du distanciel faisait figure d’exception jusqu’il y a peu. Pourtant, on observe depuis la rentrée dernière que plusieurs établissements font le choix délibéré et positif d’introduire des cours à distance. Le distanciel est loin d’être la norme mais il s’impose désormais comme une modalité incontournable, proposée conjointement au présentiel faisant de l’enseignement comodal… la nouvelle norme. Vraiment ?

Durant 6 mois , Form@Nam a testé et éprouvé l’enseignement en comodalité, avec différents groupes et partenaires. D’emblée, une nuance doit être apportée.

Co- ou bi-modal ?

On a trop vite tendance à parler de comodalité alors qu’en réalité, on est face à des scénarios de bi-modalité.  Pour rappel, la comodalité nécessite 4 éléments :

  • Une présence physique ET une présence virtuelle ;
  • Un enseignement synchrone ET la possibilité aussi de suivre les séances en asynchrone.

A cela, on pourra ajouter, par ailleurs, l’accessibilité à un espace de ressources.

Actuellement, on observe qu’on offre la possibilité de suivre une formation en classe et à distance mais qu’il s’agit bien souvent de cours en live, avec une diffusion en direct. L’enregistrement et puis la mise à disposition des continus est plus rare. Plusieurs raisons peuvent expliquent cette situation : il existe d’abord cette (vieille) habitude de vouloir cadrer un maximum la formation, qui se traduit souvent par un agenda de cours fixes, préétabli pour tous de la même manière. De manière plus terre à terre, il faut également reconnaître que l’option enregistrement nécessite un dispositif technique plus conséquent mais, plus important encore, elle exige un réel travail de scénarisation du cours.

Encore trop souvent, les séances asynchrones consistent en des simples captations du formateur parlant- longuement- à l’écran. Certes, les participants peuvent par ce moyen connaître les sujets abordés mais, très vite, ce type de séance devient rébarbatif, l’apprenant étant tenté d’appuyer régulièrement sur la touche « >> » (avancer). Un processus asynchrone mal pensé ou pas pensé tout simplement peut, sur le long terme, entamer la motivation, le plaisir d’apprendre, entrainant à sa suite, une perte de sens. « Quel est l’intérêt ? Pourquoi je suis là ? »… C’est une situation en cascade qui, dans le pire des cas, conduit au décrochage.

Se questionner, le meilleur scénario

Enseigner un cours pour des personnes qui sont présentes en classe, à distance et/ou qui seront présentes plus tard (asynchrone) est un exercice de haut vol. Soyons clairs, cela exige un peu plus de travail et de la créativité.

Souvent, les enseignants/formateurs ne savent pas par où commencer. Une première étape serait de s’interroger sur la pertinence de ce que l’on fait. Et ce, à différents moments : avant, pendant et après le cours.

  • Quel intérêt la matière représente-t-elle pour les participants ?
  • Est-ce que mon contenu est compréhensible ou doit-il être accompagné d’un schéma, d’un exemple concret ?
  • Est-ce qu’une vidéo préliminaire en amont du cours permettrait d’aborder le sujet en classe de manière plus facile ? Ou à l’inverse est-ce qu’une visite de terrain en aval pourrait aider à ancrer certains points ?
  • Faut-il ajouter des exercices qui vont aider à l’intégration et l’application des concepts ?
  • Ne serait-il pas intéressant que les participants mettent en partage leurs recherches ?
Créer du lien

Dans le système bi-modal, peut-être même plus que dans l’enseignement classique en classe, il est important de travailler sur l’accrochage. Cela demande d’être capable de créer du lien. Un lien, d’abord entre les personnes (avant même celui du contenu). Soigner la relation formateur-apprenant passe par de petites choses mais qui font la différence.

  • Interpeller régulièrement les personnes pour les faire réagir (au-delà du moment prévu pour les questions-réponses) ;
  • Appeler les personnes par le nom/prénom pour personnaliser le contact ;
  • Répondre par mail ou sur le forum aux questions posées ;
  • Annoter, commenter les travaux rendus pour donner du feedback ;
  • Établir un contact visuel pour capter et maintenir l’attention ;

Au-delà du duo formateur-apprenant, la notion de groupe doit aussi exister. Le groupe permet d’augmenter les interactions et s’avère être une source d’enrichissement pour tous, en ce compris le formateur. On pense tout de suite aux exercices d’Icebreakers (brise glace, dégel) pour permettre aux participants de faire connaissance. Mais, mettre les personnes en contact les unes avec les autres n’est qu’un début. Par la suite, l’exercice doit se poursuivre pour installer et entretenir une dynamique de groupe. Le premier réflexe est de diviser la classe en groupe mais le sous-groupe ne suffit pas en soi. Cette configuration permet aux participants d’échanger mais, pour obtenir une haute qualité d’échanges, il ne faut pas hésiter à aller plus loin dans la démarche en mettant en place des exercices d’intelligence collective où on coconstruit des contenus inter- et intragroupes.

Faire sens

A côté du relationnel, le contenu est évidemment l’autre composante majeure. Dans l’enseignement supérieur et en formation continue, les séances étant souvent espacées dans le temps, établir un lien entre les différents contenus est primordial. Fixer un planning permet de savoir quel sujet est abordé quand mais le calendrier  est en fait  le résultat d’une réflexion plus profonde sur l’enchaînement des idées : Quelle partie doit venir en amont d’une autre ? Quel concept mérite d’être plus creusé et mérite d’être étalé sur plusieurs modules ?

 Certains de l’ancienne école retorqueront que c’est aux apprenants qu’il revient de faire les liens et de tirer le sens. Mais, cela n’est possible qu’à partir du moment où l’enseignant/formateur aura, lui-même, en amont, générer du sens. C’est encore plus vrai au sein d’une équipe pluridisciplinaire où plusieurs enseignants/formateurs interviennent sur un sujet spécifique, suivant un angle précis. Un réel travail de coordination pour articuler les différentes parties entre elles devient dès lors indispensable. Cela permet aux participants de la formation de se situer : voilà où je veux vous emmener, voilà où on en est et voici le chemin qu’on va emprunter pour y arriver. Les plus poètes d’entre nous diront que la formation est une invitation au voyage. Alors, prêt à larguer les amarres ?