Il y a actuellement pléthore d’outils numériques qui peuvent servir à créer des supports de formation. Dans la plupart des cas, on trouvera des tutoriels pour se familiariser avec, en explorer la technicité. C’est ce que nous faisions sur le logiciel Twine dans un article précédent. Toutefois, pour reprendre cet exemple, ce n’est pas tout de pouvoir créer des passages interactifs et non linéaires. Encore faut-il imaginer le contenu qui se moule dans ce format tout en servant son rôle pédagogique.
Cela ne va pas de soi : c’est à la fois un exercice technique (maniement de l’outil) et d’écriture (scénarisation). Histoire de rendre les choses plus faciles, nous avons conçu un module factice et nous détaillons ici les paramètres de la formule, qui nous semble plutôt bien fonctionner avec Twine. L’idée n’est pas d’être exhaustif sur un sujet mais bien de faire germer des idées et de vous inspirer pour la réalisation de vos propres contenus de formation.
Objectif pédagogique : apprentissage d’un protocole
La recette que nous proposons ici porte sur l’apprentissage ou la familiarisation avec un protocole. Nous entendons par là, la prise de décisions codifiées en réaction à une situation plus ou moins complexe.
Décisions codifiées : La décision est le cœur du sujet. L’objectif est d’évaluer le niveau de connaissance et de maitrise d’une règle ou d’un code qu’a l’apprenant.
Ça peut être très vaste : du code de la route à l’application du secret professionnel en milieu social, de la gestion des plaintes dans une boite d’assurance au diagnostic médical, etc
Situation plus ou moins complexe : Au plus le scénario combine de facteurs et au plus cette imbrication est subtile, au plus les capacités d’analyse de l’apprenant seront sollicitées. A l’inverse, au plus le scénario est simple, au plus l’exercice relève du drill.
Avec Twine, on peut construire une histoire riche et complexe, donner une densité aux personnages, multiplier les facteurs à prendre en compte. En cela, on peut mimiquer la complexité intense de certaines situations réelles. C’est probablement là que le logiciel trouve le plus d’intérêt. Pour faire des QCM à partir de l’analyse d’une image, on pourrait par exemple envisager d’autres outils.
Scénario : Un centre antipoison
Pour concevoir un exemple, toutes les pistes nous étaient ouvertes. Nous sommes partis sur l’idée d’un call center pour centre antipoison. Il y a plusieurs raisons pour cela.
Notons bien que c’est un exercice de style que nous avons réalisé, que c’est une fiction et que cela ne correspond que dans une mesure limitée à la réalité du terrain, que nous ne connaissons pas.
Correspondance scénario / format
Dans le scénario, l’apprenant répond aux appels à propos d’intoxications alimentaires. La matière est uniquement verbale, ce qui est facile à reproduire sur Twine. Par ailleurs, on peut progresser et même orienter la conversation grâce aux fonctionnalités d’interaction et de non-linéarité du logiciel.
Décodage d’une situation complexe
De ce que nous pouvons imaginer, il y a plusieurs raisons pour lesquelles la situation peut être complexe. Sans pousser l’exercice jusqu’à un paroxysme, nous avons travaillé sur deux aspects : nécessité d’inférer certaines informations et incomplétude des informations données.
Recommandation finale
Nous supposons qu’il est attendu du centre antipoison de transmettre une recommandation ou une marche à suivre pour remédier à la situation problématique dont on leur fait part. Ce n’est par ailleurs pas une décision sans conséquence : il peut en aller de la vie des personnes qui sont au bout du fil. Parmi les quelques choix possibles, nous avons par exemple : « appeler l’ambulance » ou « attendre que ça passe ».
Un modèle, deux niveaux de difficulté
On imagine d’emblée l’immense variété des raisons pour lesquelles des gens appellent un centre antipoison. On pourrait créer tout autant de scénarios différents. Mais on peut aussi, à travers la structuration, les faire varier en difficulté.
1. Scénario facile : Pile dedans !
Dans notre premier scénario, notre interlocuteur est un médecin dont le patient, un enfant, a avalé une pile électrique.
Il est plus simple au moins sur deux aspects :
- L’interlocuteur est compétent : il utilise un vocabulaire précis, transmet des informations pertinentes et peut juger professionnellement de la situation.
- Nous n’avons pas prévu de hiérarchie dans les questions. L’apprenant peut poser l’ensemble des questions possibles, sans préférence d’ordre. Il peut même revenir en arrière au besoin. Et ensuite, après s’être fait une idée de la situation, il doit prendre une décision.
Dans le second scénario, c’est exactement l’inverse qui se joue.
2. Scénario difficile : Intox au bout du fil
Dans ce scénario, la personne au bout du fil est un homme lambda, qui s’occupe de sa compagne qui a probablement mangé des champignons toxiques
- L’interlocuteur fournit des informations imprécises et parfois non
pertinentes. Il faut en tenir compte pour gérer la conversation : au
besoin, interrompre et poser une question, voire couper court à la
discussion et envoyer quelqu’un sur place. - Il faut pouvoir comprendre qu’il faut viser en priorité certaines informations : celles qui ont le plus de chances d’être obtenues avec un degré satisfaisant de
certitude et celles qui permettent de cerner le degré de gravité de la
situation. Par exemple, déterminer quel champignon c’était est assez peu
probable et il vaut mieux ne pas perdre trop de temps à chercher cette
information.
Objectif et feedback : la décision finale
Dans cette formule, tout converge vers cette décision finale qu’il faut commenter et évaluer. Il y a dès lors, dans nos scénarios, un feedback à la fin pour préciser si le choix était judicieux ou non. Ils pourraient aussi gagner à être suivis d’une discussion, d’un apport théorique ou d’un débriefing, plus ou moins immédiatement après la réalisation de l’exercice.
A vous de jouer !
Nous espérons que cet article vous inspire quelques idées applicables pour votre activité de formation. Vous pouvez décortiquer les exemples de scénarios en les ouvrant avec Twine. Il suffit de lancer Twine et de sélectionner « Importer depuis un fichier ».
Après avoir lu cet article et lu en détail les exemples, nous ne saurions que trop vous conseiller de créer votre propre histoire et de mettre le logiciel à l’épreuve de vos idées – ou vos idées à l’épreuve du logiciel. Et le cas échéant, nous nous ferons un plaisir de vous accompagner dans l’écriture de ces aventures interactives et non-linéaires !
